Dans les coulisses de l'Opéra




Ils sont là, ces femmes et ces hommes que rien ne distingue des autres Chinois présents, à part la jeunesse. Ils se maquillent le visage de blanc et de rouge, ajoutent du noir pour les yeux. Certains acteurs peignent leur figure d’étranges motifs. Les gestes sûrs reproduisent ceux que leurs maîtres leur ont appris, année après année. L’ambiance est studieuse et les conversations rares.

Les coulisses où se passe ce silencieux cérémonial se limitent à une simple pièce. De grandes caisses en fer rappellent que le spectacle est itinérant. Les costumes sont suspendus à des cintres, les chapeaux et coiffes disposés sur une table, les barbes accrochées à des patères. Les chaussures sont bien rangées dans des casiers, attendant leurs propriétaires. Les accessoires qui serviront pendant la représentation - éventails, épées, lances, drapeaux - sont en bon ordre près de la scène.

Les costumiers attendent patiemment leur tour pour aider les artistes à s’habiller, ne semblant pas prêter attention à la petite pendule murale qui égrenne les minutes. Les actrices, assistées d’une coiffeuse, achèvent de se préparer. à présent, d’étroites bandes collantes tendent la peau de leur visage pour en accentuer l’expression lisse. Les éléments de coiffure sont collés sur le haut du front et sur les joues. La chrysalide se transforme à vue d’oeil. Avec la pose de la coiffe, l’actrice a presque achevé sa mue. Il lui faut encore revêtir les différentes parties de son costume pour que son personnage renaisse, comme chaque soir, avec son caractère bien défini.

Les femmes deviennent dan, les hommes sheng, ou jing pour ceux dont le visage est entièrement peint, ou encore chou reconnaissables à leur petit “carré de tofu” sur le nez. Chacun enfile son pantalon ou endosse sa robe, et progressivement devient haut fonctionnaire, archer ou général, femme vertueuse ou femme soldat. Dans la lueur blafarde de cette antichambre, les futurs combattants se concentrent en silence, révisant les yeux fermés les gestes et mouvements qui vont enthousiasmer le public par leur justesse et leur précision. Dans un coin, la jolie concubine échange quelques propos avec ses suivantes, sa cape déjà sur le dos, prête pour son dernier voyage.

De l’autre côté de la scène, derrière une petite barrière,les musiciens de l’orchestre sont prêts. Les acteurs de la première pièce se glissent dans le noir qui borde le plateau éclairé. Les percussions entament avec un son métallique les premières mesures aussitôt suivies du trois cordes, de la vièle et de la guitare lune, le spectacle commence.