Paysages Imaginaires

prev next


Je ferme les yeux et laisse lentement l’image monter en moi, comme dans un révélateur. Mes pensées bruyantes se retirent docilement et font place à l’image de cet homme, Grégoire, et ses photos. 
Mon cerveau fait un pont entre un homme, à peine rencontré et son travail photographique encore frais dans ma rétine. Grégoire s’en va, rentre chez lui certainement.

Je me retrouve seul avec déjà le souvenir de notre rencontre. Ses sensations, ses impressions… indicibles. 

Il est 20 h le soir, le soleil laisse sa place à la lune, pleine en ce moment.

Les gens rentrent rapidement chez eux, dans leurs foyers se réchauffer le coeur auprès de leurs aimés. 

Je regarde une nouvelle fois les images de Grégoire et, sans que je ne m’en aperçoive vraiment, des mots naissent du silence, sur le blanc carrelé de mon cahier de notes, presque en automatique... inspiration.

Ses mots sont les miens, avec ma subjectivité engagée : portes entrebaillées sur notre monde imaginaire, fantômes minéraux épousant végétaux. Pics d’argile et de bois. Accès au noir de nos profondeurs, Œdipe après révélation. 

Errance, marcher, confiance. Images intérieures... latentes. 

Rêvélateur  extérieur, la Vie et sa nature ; c’est au creux de celle-ci que Grégoire va chercher sa nourriture quotidienne. Qu’il partage, comme du bon pain.

Nous transformons le monde par nos actes. 
Nous nous transformons avec. 
Abandon suffisant aux grâces de la vie quotidienne. Celles que l’on regarde tout les matins, que l’on savoure devant un bol de café chaud et des croissant au beurre, tôt, très tôt !

Lumières rasantes, particules d’humidité, légères. 
Pas besoin d’avoir d’ailes pour s’envoler. Il suffit parfois de l’éveil d’un regard pour transpercer l’obscurité des sombres pensées qui nous retiennent.

J’inspire profondément, retiens mon souffle quelques secondes, ouvre les yeux. L’image m’a transformé. 

Je prends ces mots, d’un seul bloc et les lance avec force dans notre ciel. 
Regarde une dernière fois les photographies que Grégoire m’a laissées, le remercie, et vais retrouver mon coin de sommeil vénéré. 

J’emporte avec moi un bout d’écorce, une suggestion de corps, et je m’endors.

Alain Moïse Arbib